Empreinte des saisons

Notes de programme

L’Empreinte des Saisons a été composée d’après le poème éponyme de Benjamin Goron. À l’instar des mots, la musique évoque l’écoulement cyclique des saisons d’une manière photographique. Ici un geste, là une couleur, une énergie. Les quatre mouvements qui se succèdent sans interruption empruntent leur vocabulaire tant à la musique impressionniste, contemporaine qu’au jazz. 

Arbuste
Pour donner des racines aux fruits de nos erreurs
Tu les enveloppes doucement
Dans de vaines promesses que tu nommes bourgeon […]

Chaque instrument devient un maillon du renouveau printanier. L’effervescence est un masque derrière lequel une compétition s’installe. L’entêtement à vouloir renaître. Éclosion d’un bourgeon, prolongement d’une racine, premiers battements d’ailes. 

Pas une goutte de vent
Seul le soupçon de tes lèvres
Qui me chante les louanges du printemps disparu […]

Un arrière-plan tout en glissandos, derrière lequel on peut lire l’attente, la langueur. Le piano contemplatif, entre mélodie main gauche et notes parsemées dans la main droite, semble redécouvrir la beauté du ciel astré.

Marécage
La sève qui te tire de tes insomnies
Et remplit de poison ton écrin de mélasse
A volé la jeunesse des arbres […]

Le spectre automnal rouge-orangé invite les couleurs et les rythmes du jazz à s’immiscer dans ce mouvement où la groove du piano, sur une forme de blues, prépare un solo de clarinette teinté d’inflexions à la Ornette Coleman.

En grattant sous la neige
J’ai trouvé le fossile d’un lac
Qui m’a révélé ton nom […]

Douceur et mélancolie transparaissent dans cet hiver synonyme de sommeil. Mais en regardant bien, on aperçoit une mésange, une feuille rouge restée sur la branche. Un motif mélodique se glisse d’un instrument à l’autre nous dévoilant un paysage glacé, puis le souffle d’un être cher, aimé ou disparu, peut-être inventé, qui parcourt le poème comme un fantôme endormi.

- Karine Bétournay

L’Empreinte des saisons - Poème 

Printemps

C’est le temps du réveil
Ça bâille et ça frétille
Ça grimpe en arabesques de verdoyants remparts
Ça grouille et ça s’obstine
À vouloir dénuder la terre de son manteau de laine

Arbuste
Pour donner des racines aux fruits de nos erreurs
Tu les enveloppes doucement
Dans de vaines promesses que tu nommes bourgeon

Été

Étendu quelque part
Entre le crépitement de l’herbe suppliante
Et les spirales écrasantes d’une âpre sécheresse

Pas une goutte de vent
Seul le soupçon de tes lèvres
Qui me chante les louanges du printemps disparu

Soleil brûlant qui m’ensommeille
Les clichés se saturent contre tes dents féroces
Qui creusent des sillons dans l’éclat des écorces

Soleil
Purge ta peine à l’horizon des jours sans fin
Et habille de bronze, pour quelques temps encore
Mon squelette d’airain

Automne

Le spectre du déclin a terni les forêts
Auréolé le ciel de brumes passagères
Quelques mots dans ma bouche
Se confondent en excuses
De n’avoir pu freiner la fuite de l’été

Marécage
La sève qui te tire de tes insomnies
Et remplit de poison ton écrin de mélasse
A volé la jeunesse des arbres

Hiver

Des souvenirs qui flottent
En flocons de midi sur tes hanches
Et brisent les vertèbres du temps

En grattant sous la neige
J’ai trouvé le fossile d’un lac
Qui m’a révélé ton nom

Les marteaux pique-cœur ont abattu leurs atouts cachés
Triés sur le volet aux cartes de l’oubli
J’oublie déjà ton nom

Rocher
Tu seras là au crépuscule des jours de pluie
Grave et imperturbable
Tu hiberneras comme un soupir sur ma tombe
Où resteront gravés les sourires de l’enfance

- Benjamin Goron

Détails

Compositeur
Année de composition
2016
Minutage
0:08:00
Commande de l'Ensemble Paramirabo
Flûte en do /
Clarinette en sib /
Violon /
Violoncelle /
Piano /